Réveiller celui qui fait semblant de dormir

« Est-ce moi qui vois tout en noir ou mes collègues managers sont-ils si endormis ? » me demandait un responsable des ressources humaines qui faisait appel à nos services pour ouvrir les esprits à une nouvelle façon de travailler. Il voit juste. Le turnover augmente, le personnel ne montre plus d’enthousiasme dès le matin et a perdu tout plaisir à l’action. Parce que l’action n’existe plus en tant que telle. Elle s’est métamorphosée en une activité statique et intellectuelle pendant huit heures par jour face à une machine lumineuse, aspirante et énergétivore : l’ordinateur.

Ce responsable des ressources humaines n’est pas le seul à constater le dysfonctionnement du système et surtout le dysfonctionnement relationnel entre les individus. Il n’est pas le seul à observer que la communication ne se fait plus, que chacun travaille pour soi avec de moins en moins de conscience professionnelle…

Il est plus facile de réveiller quelqu’un qui dort que quelqu’un qui fait semblant de dormir ! Et donc, la tâche est dure pour celui qui perçoit la déshumanisation au travail et la perte du sens profond de celui-ci. De plus, l’individu conscient dans l’entreprise est souvent confronté à un certain nihilisme. « Tout va bien puisque les chiffres sont bons », lui répète-t-on !

Que faudra-t-il de plus pour que les décideurs des entreprises se rendent vraiment compte que l’économie de croissance est arrivée à ses limites ! Le commerce n’est plus du commerce, il est devenu un outil de la surconsommation avec des objectifs de vente toujours revus à la hausse chaque année.

Plus de consommation de médicaments, de voitures, de vêtements, de médias, de technologie et même de livres !… Tout est jetable et périssable…

Et puis quoi ? S’est-on déjà posé la question du plus ? Pourquoi toujours plus ? Dans quel but ? Et que fait-on de ce qui est périmé, désuet ou démodé ?

Savez-vous que pour vendre plus de médicaments, il faut aussi qu’il y ait plus de maladies ? Et donc, il y a à former les délégués médicaux à persuader les médecins qu’il existe de nouvelles indications de prescription pour leurs produits. Et les médecins, de bonne foi, convaincus, prescrivent toujours plus. Cela engendre une société faire de « malades » dépendants…Et ce n’est qu’un exemple parmi tant.…

Les managers d’aujourd’hui n’ont pas toujours envie de se réveiller et de sortir de leur zone de confort (auto, boulot, cadeaux, bobos, dodo).

Ils ont oublié de se poser les questions essentielles : Quel est le sens de ma mission professionnelle ? Est-ce que j’y retrouve un lien par rapport à mes objectifs de vie ? Des questions qui éveillent et qui orientent les individus vers plus de discernement et plus de décisions.

Le « Burn-out », la maladie du moment

Depuis quelques mois, je reçois en privé des personnes diagnostiquées en

« Burn-out », épuisées par leur travail. Ce sont généralement des personnes qui étaient très impliquées, parfois même un peu trop et qui n’ont pas reçu la reconnaissance qu’elles attendaient, tant au niveau factuel qu’au niveau humain. Le Burn-out est souvent la résultante des comportements de managers trop autoritaires, maladroits ou parfois psychologiquement incapables de gérer des gens. Ceux-ci, après s’être sentis « pressés comme des citrons », se retrouvent à 30 ,40 ou 50 ans en total porte-à-faux avec la société en général.

Que se passe-t-il dans la tête de ceux qui ne se retrouvent plus nulle part, ni dans leur entreprise, ni même dans leur famille ? Ils ont perdu tout repère et pourtant ils trouvent encore assez d’énergie pour se faire accompagne en Coaching. Mais le Coaching ne marche pas immédiatement. Leur niveau d’énergie est trop bas pour leur permettre de reconstruire quelque chose. Ils arrivent en sachant ce qu’ils ne veulent plus mais pas rarement ce qu’ils veulent. Leur certitude : essentiellement ne plus retourner chez leur employeur et même dans l’entreprise en général.

Pour moi, la première étape de ce processus de reconstruction est la réappropriation du sentiment d’injustice. Il y a eu parfois harcèlement, parfois pas, mais en Burn-out, la personne doute de son propre bon sens. Elle se retrouve avec un sentiment de non-respect de ses valeurs et a besoin d’être rassurée quant à ses impressions. Nous travaillons donc à redécouvrir ensemble les valeurs qui lui tiennent à cœur au travail et il n’est pas surprenant d’entendre à chaque fois : respect, confiance, autonomie et authenticité.

L’étape suivante sera de se reconstruire avec ses valeurs pour ne plus attendre qu’elles soient toutes comblées par le patron ou le manager. Pour obtenir du respect de l’autre, ne faut-il pas commencer par se respecter soi ?

Le manager joue un rôle déterminant

Le manager est comme un père : il représente la règle, les valeurs et l’engagement. S’il est bon, il pourra créer une équipe motivée, engagée où chaque individu développera son potentiel au service d’un projet commun. S’il est accaparé par un travail technique, s’il ne prend pas en considération les différentes personnalités de son équipe mais qu’il utilise son mode de fonctionnement comme modèle de travail, l’efficacité de ses collaborateurs se verra diminuée par l’augmentation de l’insatisfaction, la présence de non-dits et les commentaires dès qu’il a le dos tourné.

L’énergie dans ce type de bureau sera lourde et pesante. Le DRH peut souvent le ressentir avant même que des indicateurs factuels ne viennent étayer la situation.

Que faire concrètement ?

Pour éviter que les individus brillants ne quittent l’entreprise, il y a à former et à valoriser les compétences existantes en matière de communication, management et ouverture de conscience en commençant toujours par la tête. Donner une formation « Management humain » au middle management alors que la direction montre un comportement totalement en désaccord avec les valeurs qu’elle impose, engendrera un sentiment de frustration encore plus grand, voire du cynisme. Par contre, sensibiliser le décideur de l’importance de réintroduire une dynamique de travail vivante et efficace orientée sur la prise de responsabilité de chacun pour l’atteinte d’un objectif accepté de tous, sera la première étape. La deuxième étape sera sa participation au processus parce qu’il aura lui-même ouvert la porte au changement. Le changement a toujours une origine locale, il suffit d’une personne au bon endroit et au bon moment…

Dans la situation idéale, le leader montre l’exemple, s’implique, « mouille » sa chemise. Faute de quoi, les collaborateurs ne s’engagent pas dans un processus de changement à long terme. Par sa prise de conscience, le dirigeant va retrouver la cohérence attendue par ses collaborateurs.

Cette formation « Management humain » pourrait sembler « bateau » parce qu’à plus de 40 ans, le responsable sait ce que c’est que le management, il a l’expérience (qu’il croit bonne) et sait ce que c’est que l’humain. Et pourtant, nous sommes toujours frappés de découvrir la capacité de non écoute de ces grands leaders. Ils sont dans leurs pensées, à la recherche de l’étape suivante ou de l’argument qu’ils rétorqueront et n’écoutent pas vraiment. Leur en faire prendre conscience avec respect et bienveillance est notre rôle de Coach. Et cela marche !

La perfection comme qualité ou comme défaut ?

Souvent, en montant dans la hiérarchie, l’individu ne reçoit plus de feedback et s’imagine devenir de plus en plus parfait. Personne n’ose lui dire qu’il ne se sent pas écouté par lui. En Team Building, dans un cadre respectueux, les non-dits se transforment en révélations. Cela engendre un vrai changement : plus de conscience de l’importance d’être vraiment présent dans la relation à l’autre.

La recherche de la perfection a aussi engendré une fuite, une protection vis-à-vis de la critique ou du feedback. Celui-ci est interprété comme une dévalorisation. Or, cet outil précieux du manager est au service du développement personnel de ses collaborateurs. Pour arriver à faire un bon feedback, il lui faut avoir un outil de communication, mais surtout une réelle intention de vouloir faire évoluer celui à qui il est destiné. Le feedback bienveillant sera éveilleur.

Pour recevoir du feedback, là aussi, il faudra dépasser son besoin de perfection et accepter de s’entendre dire que ce qu’on a fait ne convient pas. Et pour cela, il faudra de l’humilité. Cette valeur si peu développée dans notre société occidentale est pourtant la clé de la réussite d’une entreprise à visage humain.

L’humilité est la capacité de se remettre en question pour s’améliorer !

La société de demain utilisera des managers BIO©

Le manager BIO© est le manager Bienveillant, Impliqué et Ouvert (BIO©) au développement de l’autre. Il travaillera avec des objectifs SMART (Spécifiques, Mesurables, Atteignables (sous son contrôle), Réalistes (et non utopistes) et définis dans le Temps). Il parviendra à donner du sens au travail et pourra impliquer ses collaborateurs grâce au respect des individualités. Le Manager BIO© sera congruent, cela signifie que ses pensées, ses paroles et ses actes seront alignés.

Il aura des outils et développera des valeurs au service d’un projet professionnel constructif et ayant du sens.

Les nouvelles entreprises seront ECO©

Bien que l’on pourrait parler du respect de l’écologie qui sera le chemin d’évolution des entreprises, l’idée, ici en restant dans le sujet des ressources humaines, est de développer un esprit d’entreprise Éthique, Cohérent et Opportuniste (ECO©).

Ethique parce que l’entreprise doit retrouver son utilité de service avec des valeurs morales de respect de chacun et de la nature,

Cohérente parce qu’il est important aujourd’hui de retrouver des repères et un cadre de travail en accord avec le bon sens

Opportuniste dans sa belle acceptation, c’est-à-dire, la capacité d’être créatif et de trouver dans chaque situation le positif pour rebondir.

Pour construire cette société de demain, il faudra un grand changement de mentalité. La crise financière nous pousse dans le dos pour qu’enfin nous regardions le monde du travail avec un regard humain orienté sur le développement de chacun au sein d’une entreprise performante et florissante.

Dans la Chine d’autrefois, les médecins étaient rémunérés en fonction de la population de bien-portants dans leur secteur. Ils étaient formés à éviter la maladie et à accompagner leurs patients pour se prémunir de l’infection par une alimentation saine, des exercices physiques et des remèdes naturels. Ici en occident, nous préférons soigner quand la maladie est là par des traitements chimiques.

Aujourd’hui, la crise est là et elle vient de commencer. Il y a donc à administrer à l’entreprise, un traitement de choc : une bonne piqûre de conscience agrémentée d’ouverture des cœurs des managers. Ensuite, pour prévenir la réinfection, il faudra les accompagner à intégrer les outils de management humain sous forme d’un régime quotidien à maintenir pendant quelques années….

Isabelle Wats